Le fonctionnement de l’écluse
L’Île de Ré : 85 km2, Belle-Île : 86 km2, deux terres atlantiques aux surfaces quasi identiques.
Elles se différencient pourtant par l’importance des surfaces découvertes à marée basse dans l’Île de Ré (45 km2 pour les coefficients de marée dépassant 100) alors que Belle-Île n’ augmente sa surface que d’une poignée de km2. C’est une des raisons qui explique l’existence de pêcheries en pierres dans l’Île De Ré.
Découvrez ici le fonctionnement de ces pièges à poissons millénaires.
Nombreuses, 140, au 17e siècle, les écluses à poissons ne sont plus que 14 en activité en 2017. Ces pièges à poissons fonctionnent par le jeu des marées qui rythment la vie insulaire . En forme de fer à cheval ouvert côte terre et fermé côte mer, elles sont recouvertes à marée haute et découvertes à marée basse selon les coefficients de marée. D’ailleurs à marée haute, qui pourrait imaginer que sous la surface de l’eau se trouvent ces pièges à poissons ?
Recouverte d’eau à marée haute, la pêcherie s’est remplie dans un premier temps par les claies, ces ouvertures protégées dans le mur qui permettent à l’eau d’entrer à marée montante et de sortir à marée descendante . Bien sûr compte tenu de la pente de l’estran (partie découverte par la mer lors du reflux de la mer à marée descendante) ,mais aussi des vannes (dépressions longitudinales de l’estran) , les claies les plus éloignées du rivage ne sont pas forcément les premières à être gagnées par la mer.
L’écluse La Brizère à Sainte-Marie le démontre parfaitement : alors qu’on pourrait imaginer que la mer « venant du large « envahirait l’écluse par la claie sud (la plus éloignée du rivage), ce sont les 10 claies « suette » (du sud-est ) qui accueillent la mer montante comme elles permettent les premiers écoulements de la mer à marée descendante. C’est aussi le cas de l’écluse Le Grand Port de Sainte-Marie à Montamer.
L’écluse se remplie (ou se vide ) donc d’abord par les claies, Puis lorsque la marée montante affleure le haut du mur de l’écluse ,la mer submerge alors l’écluse.
Quand la mer entre dans la pêcherie ,comme dans un marais ,on dit parfois que la pêcherie « boit », quand la mer sort de la pêcherie ,on dit que la pêcherie « égoutte « .
Les poissons ou les mollusques comme les Seiches se déplacent avec les courants de marée montante, jusqu’au bord des plage, et même à l’intérieur de l’écluse.
Lorsqu’après la marée haute, la phase de reflux de la mer se produit (le jusant),les poissons suivent le courant de marée descendante, guidés par le mur de la pêcherie. Le piège est amorcé.
Le piège constitué par ce grand mur qu’est basiquement la pêcherie en pierres est en permanence "tendu" pourrait-on dire. Mais c’est le courant descendant de la marée qui enclenche la dynamique de ce piège tendu.
La partie ouverte de l’écluse (en forme de fer à cheval tournée vers la terre) permet évidemment aux poissons qui longent le rivage à marée haute ,comme les Mulets ou « Meuilles », d’entrer dans l’écluse par le bord du rivage. À marée descendante, ils entrent dans la pêcherie qui "s’égoutte" par les claies. Les claies munies de barreaux en fer ( autrefois des branches de l’arbuste Tamaris) permettent l’écoulement de l’eau et retiennent les poissons . Devant les claies, à l’intérieur de la pêcherie en pierres, des « basses » (trous dans l’estran) sont généralement bâties, constituant ainsi des viviers ou subsistent une lame d’eau qui peut faire jusqu’à 70 cm de hauteur voire un peu plus. Ainsi les poissons capturés, gros et petits , restent-ils vivants. D’où l’utilité du "treilla" ce filet à main (voir les instruments de pêche) pour attraper les poissons et mollusques nageant dans les "basses".
Le pêcheur peut alors capturer les poissons et mollusques piégés . Si le poisson est trop petit (« pas à la maille ») ou d’une espèce qu’il n’apprécie pas, ou interdit par la réglementation, "les basses" permettent aux poissons de repartir à marée haute.
L’écluse à poissons est ainsi un piège sélectif puisque seul le poisson que l’on souhaite prendre est pêché.
Dominique Chevillon
Publié le lundi 18 décembre 2017 - Mis à jour le mercredi 2 mai 2018